« Bleu, bleu, bleu le ciel de Provence, blanc, blanc, blanc le goëland » (Extrait d’une vieille chanson interprétée par Marcel Amont)
Vous trouverez dans le récit de cette novillada l’épisode grand-guignolesque des mouchoirs qui m’a donné l’idée de ce titre.
Mais avant, notons en préambule trois sujets de satisfaction.
Le premier bien sûr la présentation et le comportement des BALTASAR IBAN. Des novillos mobiles (hormis le troisième et le sixième qui se montrèrent très réservés, voire arrêtés après le tercio de pique. Braves au cheval et avec de la caste d’un bout à l’autre du combat plus ou moins mâtinée de genio.
Le deuxième venant de deux novilleros qui tranchent avec le défilé de clones transparents qui sévissent généralement. Deux toreros alliant technique et élégance et de plus sachant estoquer, cette dernière caractéristique devenant très rare de nos jours.
La troisième raison de se réjouir provient d’une assistance non négligeable pour une novillada de fin de saison, et constituée d’un public concentré de bout en bout sur le spectacle.
Merci donc à Saint-Perdon de leur choix pour cette novillada. J’espère que la commission taurine montoise était là…
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La zone ombragée du Plumaçon était plus occupée que l’autre. Occupée dans une pagaille qui resta joyeuse car de nombreux spectateurs, las de chercher leurs places sans les trouver, passèrent la rambarde des balconcillos pour s’installer dans la moitié supérieure théoriquement fermée.
A 17.35 H, la banda « Al Violin » parfois incertaine, toujours sympathique, accompagne le paseo.
« Ruiseñor » un castaño bien fait, armé large déboule dans la cape de Mathieu GUILLON qui effectue des parones de bon gout. Le novillo part au pas sur le cheval et se laisse piquer en poussant sans conviction. Sortie en fléchissant des pattes avant. Lors du quite, il gêne le torero en se défendant de la tête.
Le montois prend les banderilles, se fait prendre de vitesse et reçoit un léger coup de plat de corne sur la jambe gauche lors de la première pose. La seconde paire, à tête largement passée, est sans risque. Violin facile pour terminer.
Début profilé et un désarmé. Les premières séries à droite sont marginales. Le novillo montre d’abord de la noblesse puis se défend de la tête. A gauche, la muleta est souvent accrochée. Repris à droite, Mathieu doit se replacer entre les passes. Cite avec muleta désormais « retrasada », position très marginale, la faena part en quenouille.
Une entière tombée d’effet rapide ranime une partie (minoritaire) du public. Le président ne se pose pas la question : oreille. Le novillo dont une partie des défauts semblait liée à sa faiblesse, est applaudi.
« Sandonguero », castaño oscuro sort avec vivacité. Sur le recorte que constitue la second véronique de Sergio FLORES, il s’affale, semble accuser le coup et se calme.
Il prend avec style une pique bien donnée. Le châtiment est sérieux mais bref. Le novillo ayant chuté après cette pique, on sonne la fin du tiers. Quite élégant du mexicain.
Le tiers des banderilles (dont le novillo, comme les cinq autres, se plaint en se secouant beaucoup) est réduit à deux paires, du fait de la charge fort désordonnée.
Début très alluré par statuaires puis début à droite par passes longues dont l’effet est un peu terni par la charge ahanante du novillo. La deuxième série est plus rythmée. Puis viendront deux séries à gauche millimétrées en hauteur, parfaitement accordées à une charge parfois irrégulière. Deux naturelles longues seront superbes !
Il prend l’épée et se fait accrocher, sans mal, le mollet droit lors d’un pinchazo. Suit une entière contraire légèrement en avant, d’effet rapide.
La pétition est forte cette fois et le palco donne une puis, la clameur montant, deux oreilles. Au vu de la valeur de la précédente, c’est on ne peut plus logique.
Le novillo qui a surmonté sa relative faiblesse par la caste, est applaudi.
« Tomillero », comme tous ceux qui vont suivre, a presque quatre ans (né en octobre 2007) Il est noir et paraît plus haut que les deux précédents.
Fernando ADRIAN commence fort avec quatre faroles donnés à genoux. J’insiste : des faroles . Et non la vulgaire larga afarolada genre « padillesque » que l’on a l’habitude de voir. Là, cela passe plus près à chaque fois et la quatrième est bien serrée !
Le Baltasar s’élance vivement et pousse fort contre le cheval.
Quite par véroniques du novillero en chargeant la suerte. Aux banderilles le novillo répond bien à la première sollicitation puis se réserve aux suivantes.
Cette réserve va se confirmer ensuite. Le novillo raccourcit sa charge, devient tardo, défile au pas puis après trois séries, se fige. On a tout le loisir, pendant un pénible numéro de porfia, la cuisse du novillero contre le mufle du novillo, de profiter du solo de trompette car le président avait jugé utile d’envoyer la musique.
Un pinchazo hondo précède une bonne entière qui fait rapidement son œuvre. Le Baltasar, luttant de manière spectaculaire avant de s’écrouler, donne un coup de pouce au novillero. 30 à 40% de mouchoirs…Oreille.
Noir, imposant, légèrement brocho, « Santanero » fait impression dès qu’il sort. D’autant plus que l’attention est toute à la sortie du toril, Mathieu GUILLON s’étant agenouillé pour une porta gayola. A l’arrivée du train noir, il est contraint de se jeter de coté pour éviter une cogida. Après, c’est très confus et cela se termine par un désarmé.
La première pique est prise avec force et fixité. Lors de la seconde, le novillo part de loin et repousse avec vigueur. Applaudissements nourris à Marc Raynaud, qui, par son travail, a mis en valeur la bravoure du novillo.
Quite élégant de Sergio Flores. Mathieu reprend les banderilles pour deux paires très médiocres avant un sesgo por dentro plus sincère. Brindis au public.
La belle et bonne charge de loin permet une série à droite qui fait vibrer le public. La seconde me paraît étouffer un peu le novillo. On passe à gauche où le montois, décentré, ne profite plus des qualités du novillo. Mathieu perd le fil, la faena s’étiole. Trois redondos inversés ne parviennent pas à dissiper l’idée que l’on est passé à coté du vrai potentiel du novillo.
Enjolivement final par aidées. Trois pinchazos et une entière qui suffit. Et voici la partie tragi-comique de la novillada.
Il doit s’agiter entre cinq et dix mouchoirs, ceux des stakhanovistes de la pétition. Mais une autre forme de manifestation monte d’une bonne partie du public qui réclame la vuelta pour le Baltasar. Il n’y a pas un mouchoir de plus qui s’agite mais en revanche, la rumeur bruyante pour obtenir la récompense pour le novillo augmente.
Et là, le gag ! On voit le Président sortir, d’un geste excédé, mouchoirs blanc puis bleu ! Stupeur, puis clameurs d’incompréhension sifflets ; confusion…Hommage à la dépouille du Baltasar. Bronca lorsque Mathieu Guillon reçoit l’oreille qu’il rapporte aussitôt au callejon où il rentre sans bien sûr entamer une vuelta. Nouvelle bronca au Président pour sa bourde majuscule.
La sortie de « Provechoso », joli castano, ramène le calme. Sergio FLORES doit se contenter de canaliser le novillo qui ne met pas la tête dans le capote, se contentant d’envoyer des coups de corne secs.
Il prend une pique spectaculaire soulevant l’avant du cheval puis reste collé au peto finissant par provoquer l’effondrement de l’ensemble. Aux banderilles, la cuadrilla est mise en difficulté par le gaz du Baltasar.
Joli geste de Sergio Flores qui brinde à Mathieu Guillon. Le début de faena s’avère bien compliqué car le novillo très violent et à la tête très agitée rend les séries heurtées. Le public suit les efforts du torero avec intérêt et en silence. Le Président, jamais en reste d’une initiative incongrue, envoie la musique ! Les deux dernières séries verront Sergio FLORES s’imposer au novillo, démontrant des qualités techniques déjà affirmées.
Une entière bien portée et bien placée. Mort en brave du novillo. Oreille bien gagnée. Vuelta fêtée et animée par l’inénarrable banda qui honore Flores du célèbre « Mexico » au cours duquel les trompettistes se battront jusqu’au bout pour triompher finalement des canards, sous l’ovation générale!
Voici « Rabioso » autre castaño très présentable en trapio et armures. Bon remate de Fernando ADRIAN puis deux piques où le novillo démontre force et bravoure.
Dès le quite, on perçoit un changement dans le comportement du novillo qui réfléchit avant de charger puis se retourne vite. Une chicuelina hyper-serrée provoque des murmures sur les tendidos.
ADRIAN prend les banderilles. Méritoire mais malvenu car le Baltasar ne répond quasiment pas aux cites.
Le torero brinde malgré tout. Derrotes en fin de passes, course réduite s’arrêtant avant la fin des naturelles, la première partie de la faena est bien compliquée. Après c’est pire, il s’arrête et se défend sur place. Il faut en finir, ce que fait encore bien le novillero. Un pinchazo puis une entière décidée et très efficace. Oreille.
On n’a pas utilisé une seule fois le descabello durant cette course !
Mathieu GUILLON quitte à pied les arènes, refusant intelligemment les porteurs. Le public adresse une ovation à la ganadera qui se trouvait dans les tendidos. Celle-ci renvoie d’un geste les bravos vers le mayoral qui sort et quittera la plaza en triomphe en compagnie des deux triomphateurs que l’on a, de même que les BALTASAR, hâte de revoir.
Vu du rang 5 du tendido ombre, 24 €.