10 septembre 2007
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Fidèle à la ligne de conduite que je me fixe, à savoir ne rien lire ou écouter avant d’avoir écrit ma propre reseña, j’ignore ce que vous avez pu apprendre hier sur le triomphe d’Enrique PONCE. Pour autant, je devine l’enthousiasme, l’emphase, le lyrisme, l’hyperbole des commentateurs.
Pour éviter tout malentendu, précisons tout de suite : j’ai trouvé le torero excellent, reposé dans son toreo, moins froid et raide qu’auparavant, avec des détails superbes et la « chispa » qui lui a longtemps fait défaut. Le tout sans perdre une technique propre (et ses « ficelles » connues) qui lui permet de tirer la quintessence de ses adversaires.
Cet hommage, sincère, étant rendu, je me sens autorisé à faire quelques remarques plus générales sur ce type de corrida qui divise l’aficion. D’un coté, les gardiens du temple qui se gaussent de ces triomphes acquis devant des toros si doux, si collaborateurs, quasiment inoffensifs dans les mains expertes de vedettes exigeant des fers aussi aimables. Ils ajoutent que ces spectacles annoncent le dévoiement de la Fiesta Brava par la transformation d’un combat entre un animal sauvage et un homme en un aimable ballet expurgé de quasiment tout risque pour le matador. De l’autre coté, on raille ces tenants de combats d’un autre âge, ces obscurantistes n’aimant que l’aspect rude et primitif de la tauromachie, ces handicapés de la sensibilité artistique, ces ayatollahs du premier tiers, ces primaires passéistes en somme.
Je crains que le fossé entre ces deux franges ne s’approfondisse. Je crains aussi, et c’est plus grave que la proportion des premiers ne diminue beaucoup par rapport au camp des seconds. Car si les premiers sont souvent excessifs, les seconds oublient trop souvent de prendre en compte la mièvrerie de l’opposition. Si les uns sont trop réducteurs, les autres négligent la vérité essentielle de la fête sauvage.
On a besoin du beau et du vrai. Sans donner totalement raison à un camp contre l’autre, gardons toujours en mémoire que la véritable beauté reste indissociable de la vérité.
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Temps idéal avec légère brise bienvenue. Quelques rares places inoccupées aux rangs supérieurs du soleil. Vu du 9ème rang des tendidos ombre (70 € …mais la novillada était comprise).
Au paséo, sifflets contre l' alguazil "usurpateur" en nette régression en provenance du secteur où se situe la Peña Campo Charro. D’autant plus que, surtout dans notre coin ombre légitimiste, la réaction s’organise avec force applaudissents.
L’ovation est unanime pour faire sortir César RINCON du callejon, d’autant plus qu’une annonce au micro pallie à un éventuel manque de spontanéité du public. Remise d’un objet d’art au colombien, applaudissements nourris et, comme c’est l’usage, appel des compañeros pour partager les bravos. Après ces civilités coutumières, on passe aux choses sérieuses. Un toro fin et joli, bien armé sort pour l’impétrant. Véroniques sèches malgré la charge sans problème du VICTORIANO qui prend une pique en poussant bien avec les reins. Après deux paires de palos, et sans raison valable, on change le tiers. Place à la cérémonie de l’alternative et brindis du fils au père.
On commence par des séries qu’on pense être de préchauffage mais, malgré la collaboration gentillette, un peu fade toutefois du toro, la suite ne sera pas de nature à faire monter en pression des tendidos dacquois pourtant facilement inflammables. Deux pinchazos éteignent tout risque potentiel d’incendie. Une demi-épée dans le cou ne paraît gêner personne, on est civil ici. Et pour le prouver, malgré une prestation si médiocre et une conclusion si vilaine, on fait saluer au tiers TERUEL fils !
Le vétéran reprend la main. Toro presque identique au précédent au physique mais qui ne permet presque rien à la cape. Un picotazo symbolique mais au quite, César trouve beaucoup de défauts au toro. Alors que le Président a fait sonner les clarines, le matador ramène cyniquement le toro au picador. Tendidos légèrement courroucés. La faena fait un peu pathétique. Ce toro présente certes une charge courte, s’arrête, présente des complications mais le vieux bretteur qui en aurait ri et serait monté sur ce toro il y a encore quelques années, doute et fait des efforts surhumains pour maintenir ses pieds qui meurent d’envie de rompre. Deux-tiers d’épée très laids, en travers et un silence d’enterrement.
Mais voici que s’avance Enrique. On frémit dans le secteur. Dieu merci, le sort lui a réservé un toro de même prestance mais avec plus d'allant que le précédent, un soupçon de graisse en plus, armures vers le haut.. Très élégantes véroniques mains basses, adaptées à la douceur de charge, d’un toro qui baisse la tête, se la plante dans le sol. Une pique ou, plus exactement, une poussée de cheval. PONCE sent bien ce toro et le dit à sa cuadrilla. Brindis au public ravi. Début alluré et peu contraignant pour l’animal à la charge très plaisante pour le torero. On débute à droite avec des redondos, un changement de mains qui émeut les gradins, un pecho long et enroulé. Autre série à droite délicate. A gauche, moins de vibration, le toro ne répétant pas. Mais quatre bonnes naturelles. Curieusement, le public réagit plus à des détails, des ornements qu’aux passes elles-mêmes. Un pinchazo et une demi-épée en arrière. Je m’attendais bien à une pétition mais voyant la persistance de celle-ci, je m’étonne. Et là, stupeur, je constate que l’arène a demandé, et obtenu deux oreilles ! Soyons objectifs : un quarteron de lucides protestera quelque peu ce laxisme.
Retour de RINCON pour son dernier toro ici. Sort un galopeur avec morillo proéminent qui tarde à charger puis se lèse la patte avant gauche. Mouchoir vert. Quatrième bis difficile à fixer au capote, puis court de charge. Il s’élance vers le cheval et tente de lui sauter au cou avant de prendre une pique dans un mauvais style. Deuxième rencontre devant un public surpris et mécontent : « Deux piques, c’est permis cela ? » Il est vrai que ce n’est guère fréquent, ici encore moins qu’ailleurs ? Dernier toro, dernier brindis. Dernier effort pour une faena plus longue que bonne à un manso avec un fond de noblesse mais qui ne méritait pas tant d’efforts. César a fait un véritable effort, méritoire et émouvant. Le premier avis tombe avant qu’il n’ait pris l’épée. Demi-épée, deuxième avis, un descabello. Applaudissements de nostalgie.
Le deuxième toro de l’espoir sort et on s’aperçoit tout-de-suite que Dieu est dacquois ce soir. Charge suave et toreo de cape en rapport. Une pique aussi courte que légère. PONCE est à deux mètres de son picador pour lui demander d’arrêter (boulot sympa d’être piquero dans cette cuadrilla…). Trois paires de palos vite et plutôt bien faits et le récital commence. Deux séries, d’une muleta experte, pour corriger les petits défauts et en avant pour un crescendo de séries à droite et à gauche alliant esthétisme, facilité, élégance et douceur. Oublions la noblesse confondante et une faena ambulatoire et retenons, plus que trois redondos inversés enchaînés faisant plutôt honte à la naïveté de l’animal, une série de naturelles de luxe données en déclenchant la charge en ouvrant la muleta tenue d’abord repliée. A mon avis le meilleur de sa prestation. L’hystérie est quasiment unanime dans les gradins. Attente inquiète quand il lève l’épée mais il se jette pour une entière engagée et légèrement tombée. Si le président avait été cohérent, après ses deux oreilles précédentes, la queue était évidente. Mais un fond de conscience, associée à une agonie longuette (deux avis et nous étions, le gag eut été gigantesque, très proche du troisième !) le retint. Vuelta de feu et pas assez de qualificatifs dans le vocabulaire.
Pas évident pour le triste fils TERUEL de rappeler qu’il s’agissait de son alternative. Comme le toro était distrait, personne ne s’en souvenait jusqu’aux deux vilaines piques. On rappela le VICTORIANO à ses devoirs et il se montra le meilleur du lot à la muleta, d’une docilité exemplaire. Malgré ce cadeau du ciel, le gamin, au charisme de croque-mort, ne suscita qu’un intérêt poli. Se rendant compte qu’il n’y aurait pas une ligne sur sa prestation, il se rue pour une estocade verticale en avant. Les trophées ne coûtant pas cher, on lui donna une oreille mais ce sont celles du torero qu’il conviendrait de tirer pour ne pas savoir profiter de tels cadeaux.