Chronique de la corrida du 9 juin 2014 à Vic-Fezensac
Encore une de ces soirées vicoises, où lorsque tout semble conduire à une profonde déception, il survient un événement qui transforme le ruedo en un lieu d’expression de toutes les passions.
Le sixième AGUIRRE était apparu, cherchant, depuis son entrée en piste, comment en sortir. Il avait failli y parvenir, retombant d’un rien coté arène après un instant en équilibre sur la barrière face au patio des caballos. Lorsque l’on parvint à sortir le picador. Celui-ci fait d’abord preuve d’une tranquille assurance, ne cherchant pas à piquer le puissant manso venu le soulever à l’improviste. Suivent trois rencontres très courtes où le toro vient au contact pour s’enfuir après le contact du fer.
Afin de pouvoir enfin réellement piquer, le picador s’avance vers le milieu de la piste. Chacun a fait l’expérience des sourcilleux qui hurlent déjà lorsque un demi-sabot du cheval mord la raie blanche. Vous imaginez alors le volcan de cris accompagnant l’avancée du picador ! Profitant de l’aubaine, Cantinillo envoie au sol l’ensemble comme un fétu de paille. Le cheval roule sur lui-meme, le picador, à proximité immédiate du toro s’en sort par miracle. Bonijol saute en piste pour sauver son superbe cheval sur qui s’acharne le toro, le tout dans une tension et un chahut intenses.
Le picador sort sous les sifflets des uns, qui ne comprennent rien, et les applaudissements des autres, qui savent que tous les toros ne peuvent se lidier de façon identique.
Tercio suivant : les banderilleros jettent, plus qu’ils ne posent, quatre banderilles, une seule à la fois.
L’AGUIRRE, voyant s’approcher la muleta, repart vers sa querencia dans la zone entre patio de caballos et porte des torils. On pense à cet instant que LAMELAS, après quelques vagues tentatives, en finira avec le couard dangereux. On se trompe. Car, le torero, à l’instar de ses débuts bouillonnants en tant que novillero, va parvenir à arracher trois séries de derechazos à ce Cantinillo. Il n’y eut que trois séries, à l’ancienne, à des années-lumières de l’esthétisme mièvre du toreo de salon qui fait les délices des tendidos ombre du mois d’aout. Là, on était dans le « brutal » d’Audiard, dans le fruste, le mobile pour forcer le sournois à passer et tenter de canaliser la brutalité de sa charge. Tout cela tenait du miracle et, lorsque le torero enfonça une épée entière, tout le public exulta d’une joie soulagée que l’histoire se termine bien.
La pétition très largement majoritaire fit sortir le mouchoir au Président. Mais les gradins restèrent blancs et la bronca monta sans faire fléchir le palco. Pour moi ce Président eut raison et fit preuve de courage là où d’autres cèdent à la démagogie. LAMELAS méritait amplement cette oreille pour le courage dont il fit preuve pour réduire ce toro et lui arracher une douzaine de passes. Pour autant, cette faena réduite à si peu et une estocade valaient-t-elles deux oreilles ? Et, au final, une ou deux oreilles, est-ce que cela modifie le souvenir de ce moment ? On gardera l’image de la double vuelta d’un torero modeste et heureux, de ces humbles qui confèrent sa vérité à la Fiesta Brava. Quant au palco, entre laxisme ou trop grande sévérité, il a toujours tort…
Face à son premier adversaire (un sobrero), un manso, collaborateur sans caste, LAMELAS avait réalisé une faena sans engagement, se faisant souvent accrocher la muleta. Il termina par une entière d’effet très rapide. Suite à une pétition d’oreille très minoritaire, il crut pouvoir entamer une vuelta. Les protestations de majorité, auparavant silencieuse, la firent avorter immédiatement.
Pour Fernando ROBLENO, peu d’options : un premier toro plein de genio (applaudi à l’arrastre par une partie du public !) qu’il tua laborieusement. Le quatrième, comme la plupart du lot, ne remate pas, fuit la cape et confirme son manque de caste aux banderilles. Curieusement, le matador le brinde au public. La charge, déjà fade, s’éteint rapidement. ROBLENO insiste de manière aussi lourde qu’inutile, dans un climat d’ennui profond. Là encore, conclusion peu brillante et cette fois encore, une partie du public pour applaudir la dépouille du manso décasté.
Javier CASTANO doit batailler à la cape avec la charge courte de son premier adversaire. Comme attendu, brillante démonstration des banderilleros qui saluent. Faena aussi désordonnée que la charge de l’AGUIRRE qui est mobile. Un tiers d’épée couchée puis une entière. Avis partagés sur le torero et incroyable constat : une partie du public réclame la vuelta pour le toro ! Pour comprendre ma stupéfaction, voici son comportement au cheval : premier rencontre dont il s’échappe au contact du fer ; deuxième où il pousse avec la tete en se collant latéralement au cheval et sortant seul ; au troisième contact, il cherche à contourner le cheval par l’avant et sort à nouveau seul ; quatrième plus poussée sur l’impact mais dégageant du cheval à nouveau sans sollicitation.
Le matador subit un désarmé du cinquième et saute la barrière à la cape. Sa mansedumbre aux banderilles parvient à mettre en déroute la « cuadrilla magique ». CASTANO commence par un toreo de chatiment tout à fait pertinent (et sifflé par une frange du public …) puis, au vu des coups de frontal envoyés dans sa direction, abrège sous les sifflets.
2.30 H de spectacle. Entre 2/3 et ¾ d’entrée. Vu du balconcillo ombre : 59€.