La modernisation, l’actualisation, oui. Mais il ne faut pas toucher à la liturgie, à l’essence et surtout pas à la bravoure ni à la sauvagerie du taureau brave, authentique formule alchimique de cette cérémonie et véritable patrimoine génétique et écologique. Le culte du taureau exige le respect d’une intégrité totale, car la plus grande pureté est impérative. La véritable caste représente une image inaccessible pour l’homme, sans manipulation artificielle bien que, derrière cette bravoure, on distingue la main de l’éleveur qui, effectivement, pose son empreinte par la sélection.
On peut, on doit moderniser les arènes, leurs accès et le confort des places. Il faut moderniser tout ce qui se rapporte à la santé et aux soins médicaux des acteurs. Mais la modernisation ne saurait s’appliquer pour affaiblir la caste du taureau, atteindre à son intégrité et édulcorer le rite. Non à la Fiesta de toros sans toro et non à la farce, au simulacre, à la pantomime.
Heureusement, il reste des plazas où se maintient cette vérité, cet esprit, où demeure le rite et la véritable lutte à mort entre un homme et un animal. Des arènes qui se distinguent par un niveau d’exigence à l’inverse d’une lâche complaisance. Parmi ces arènes, il y a Vista Alegre, grâce essentiellement à l’exigence dans la sélection du bétail, à ses fameux « toros de fer. » Il ne faut pas s’illusionner, dans toutes les arènes, le pourcentage des aficionados initiés et connaisseurs est très faible par rapport aux spectateurs simplement là pour profiter d’un spectacle intéressant mais peu enclins à s’intéresser au symbolisme et à la signification de la tauromachie, au-delà de la simple anecdote (à l’exception, tout à son honneur, de la France où le pourcentage de profanes est moindre et celui des aficionados initiés, supérieur.) Ce qui arrive dans les arènes du nord de l’Espagne en général, et à Bilbao en particulier, c’est que le public est pleinement conscient qu’il assiste à un spectacle authentique, où il n’y a pas de truquage, où un homme se joue vraiment la vie face à un animal, sans concessions ni faux-semblants. Voilà l’exigence. D’un autre coté, l’existence d’une commission administrative en comparaison de la gestion directe d’une empresa, apporte du sérieux et réduit les intermédiaires, ce qui favorise la qualité des spectacles. Il existe d’autres facteurs importants comme la rigueur de la présidence, le professionnalisme des employés de l’arène et la tradition centenaire pour concourir à ce succès. (certains vont même jusqu’à y associer le mythique sable noir qui, associé au ciel très souvent couvert, participe au sérieux de l’arène bilbaïnaise.)
Mais il convient de ne pas céder à l’auto-satisfaction. Beaucoup de points restent à améliorer. Bilbao a le devoir de maintenir ce genre torista et rigoureux. Il faut conserver cette variété des encastes, on ne peut suivre la mode des fers qui font preuve d’une grande faiblesse et qui, pour cela, bien sûr, sont très recherchés par les figures du toreo. Il faut continuer à faire venir la crème des élevages. Il faut programmer des spectacles en dehors de la Feria d’ « Aste Nagusia ». Il faut donner des opportunités à ceux qui débutent, pour les novilleros comme pour les nouveaux aficionados qui, demain, maintiendront le sérieux et la catégorie de la plaza. En somme, il faut semer maintenant pour récolter dans l’avenir.
Gabriel Moreno Herino. Aficionado.