Bien sûr que l’on sait que le chemin sera très long, très difficile, parsemé de chausses-trappes. Bien sûr que la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain et que les taureaux d’une part, et pire encore, les requins du mundillo peuvent se charger de tout remettre en cause mais peu importe, sans naïveté, profitons pour l’heure de deux gamins étonnants. Etonnants par leur fraîcheur d’âme, leur application et le niveau déjà atteint.
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Le premier eral présente un volume correct et des armures commodes. Thomas DUFAU le reçoit avec des véroniques templées. Quite par delantales et une demie de Mathieu GUILLON. Ils partagent les banderilles, Thomas se montre plus engagé, Mathieu plus précis dans la pose face à l’animal plein d’allant. A droite la faena est un peu perturbée par l’eral qui proteste dans la charge. Par contre plusieurs très bons moments du coté gauche où l’animal embiste avec classe. Meilleurs moments : une série de naturelles et des redondos plus un pecho long et conduit. Une épée basse et verticale, suffisante. Oreille logique et méritée.
C’est un tout autre client qui sort ensuite pour Mathieu. Freinant sa charge, il refuse de s’engager dans la cape et envoie des coups de tête. Le torero rentre dans la bataille mais se fait désarmer. Devant la violence du client, les « vieux » prennent les palos et le San Gilen s’en sort avec métier. Début de faena par doblones bien venus pour calmer le manso. Le reste sera de la bagarre où le frêle Mathieu révèle une volonté et du recours. Les derachazos seront court du fait de la propension de l’eral à ne pas s’engager, à se défendre tête haute, à se retourner vite. A gauche, l’adversaire est encore plus rétif et les deux ou trois naturelles aidées seront méritoires. L’engagement de Thomas ne se dément pas à l’épée : une entière légèrement tombée. Oreille là aussi pour avoir bien tenu le cap et ne s’être jamais dégonflé devant l’agressivité de l’animal.
Après l’intermède à cheval dont je ne dirai pas grand-chose (je n’y entends rien !) à part que Thomas BAQUE devait connaître par le prénom la moitié des spectateurs, qu’il se montra souvent précis, qu’il fit bousculer, sans mal, un de ses chevaux par le Los Bayones qui avait oublié d’être idiot. Hélas, tuer à cheval semble encore plus difficile qu’à pied. Trois rejons de mort placés à des endroits disons …. atypiques ne permirent pas le triomphe que toute l’arène espérait.
Un joli berrendo armé assez large sort avec vivacité pour Thomas. Il se montre plutôt distrait à la cape et fléchit plusieurs fois. Trois chicuelinas de Thomas. Aux banderilles, Thomas pose une paire très engagée, étant légèrement bousculé par le mufle lors de la réunion, puis un violin près des planches où l’eral s’est réfugié. Dans un silence « plumaconnesque »qui permet d’entendre clairement les conseils de Milian : « doucement, torée doucement et avance la muleta ! » le torero suit les directives et la charge de l’animal devient moins brusque. Il en ressortira une faena parfois heurtée car le toro a tendance à retrouver ses défauts dès que la muleta ne se déplace pas de manière millimétrée. Mais aussi de bonnes séries templèes et conduites avec maîtrise. Des redondos de fin font apprécier un toréo de ceinture très alluré. Comme d’habitude avec Thomas, un estoconazo d’effet rapide. Et deux oreilles incontestables pour le torero dont les progrès sont assez sidérants et dont le toreo possède un classicisme profond.
Devant cette situation, Mathieu se comporte en torero. Il s’avance donc vers le toril, se met à genoux pour une porta gayola. Un missile sol-sol jaillit du toril, fonce vers le torero et saute dans la cape, volant à hauteur de la tête du torero. Mathieu refera une larga serrée, puis au centre deux véroniques avec du garbo. Mais il trébuche en arrière, l’eral se retourne et à cinq mètres de lui, le charge à terre. Et là, réflexe stupéfiant de vista, Mathieu, à moitié couché sur le dos, réalise une larga afarolada qui le sort de ce mauvais pas ! Olé torero ! Très bon tiers de palos spectaculaire des deux toreros. Trois doblones genou plié pour dompter le costaud puis une faena comportant des moments exquis à droite et des pechos enroulés magnifiques. A gauche, ce sera plus heurté car le Los Bayones a du genio, mais on profitera de deux ou trois naturelles pleines de sentiment. Un pinchazo en s’engageant bien. Une entière en entrant droit et sortant bousculé et trois-quarts d’épée bien placés. Oreille légitime.
Salut du mayoral bien venu car l’agressivité du lot donna de la transmission aux passes des toreros. Départ « a hombros » des deux triomphateurs et jubilation de Richard Milian leur mentor, à la bonhomie souriante. Dernier détail sympathique: les toreros laissérent le trés jeune sobresaliente faire deux quites.
Affluence record aux guichets
Mathieu GUILLON à l'épée
Naturelle de Thomas DUFAU
"Manolo", serein, au palco
Un soir lumineux