Voilà près d’une année que je ne me suis plus assis sur le ciment ni le bois d’une arène.
Cette rupture d’une passion de plus de quarante ans, subite dans sa réalisation, ne l’est pas, en réalité, dans son processus de décision.
Lorsque l’on commence, puis que l’on continue à réfléchir au coût d’une temporada pour un aficionado, à l’étroitesse des places, à la réussite des plus aléatoires de ces soirées, le ver est déjà dans le fruit.
Mais ces doutes n’auraient pas suffit à rompre avec les illusions qui m’ont porté pendant si longtemps si je n’étais pas convaincu que la Fiesta Brava va désormais, de manière inéluctable, à sa perte. Ou du moins, que je suis désormais perdu pour ce qu’elle est devenue.
Ces dernières saisons, je comptais sur les doigts d’une main les toros qui répondaient à ce qui, à mes yeux, représente l’élément central et indispensable de la corrida. C'est-à-dire le contraire du « toro-artiste », un qualificatif désolant.
Or, force est de constater que je m’ennuyais de plus en plus à voir sortir des clones aux forces que l’on devait ménager et aux comportements très mièvres.
Et je me désespérais à assister à des triomphes de pacotilles ratifiés par des publics dont l’indulgence le disputait à la méconnaissance.
Et j’enrageais à lire ou à entendre des critiques si complaisants, si enclins à s’enthousiasmer pour peu de choses.
J’évoquerais ici le souvenir d’un toro à la sauvagerie et à la puissance telle qu’il vous reste gravé dans la mémoire quand des palanquées de faenas « magnifiques » sont tombées dans les oubliettes de ma mémoire.
Je revois ce CRIADO HOGADO, sorti en sobrero en 2004 pour la Pentecôte Vicoise. Et le sang-froid associé à un courage extraordinaire qu’il fallut à Robleño pour en venir à bout. Des combats de cette intensité sont (étaient ?) le fondement de la véritable aficion et clouaient le bec aux arguments misérabilistes des quarterons d’ anti-corridas.
Hélas, je crains que ce genre de spectacles n’ait plus le goût d’un public auquel on fait prendre des « sœurs de charité » pour des animaux de grande classe, qui se pâme pour un changement de mains et s’agace devant du torèo de châtiment.
Bref, je me sens à présent souvent en décalage avec mes voisins, en colère contre des toreros qui prenne le « respectable » pour des niais, contre des organisateurs qui se moquent des aficionados, contre ce mundillo cupide qui tuera plus sûrement la Fiesta Brava que les abolitionnistes.
J’ai choisi pour illustrer ce dernier édito une photo de Jacques Cathalaa intitulée « La mala suerte ». Ce novillero inconnu (du moins pour moi) revient vers le burladero sans succès malgré un combat éprouvant qui a laissé des traces.
J’espère de tout cœur que la Fiesta Brava sortira de l’impasse vers laquelle elle se dirige. Mais j’en doute et, pour l’heure, je l’observe…de loin.
Bronco